SERGE GAINSBOURG – Rock Around The Bunker – 1975

mercredi, juillet 16th, 2014 par Toorsch

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Chroniquer un album de Serge Gainsbourg, c’est un peu comme chroniquer un classique des Stones ou des Beatles, c’est très périlleux. Tout a déjà été dit, alors que rajouter de plus? Mais surtout, on avance en terrain miné, une horde de fans en embuscade, prête à ouvrir le feu à la moindre erreur. Faire fi des risques. La carrière du grand Serge est assez paradoxale, jonchée de réussites commerciales et d’échecs cuisants. Des chansons mineures interprétées par d’autres ou parfois lui-même ont connu un succès fulgurant, alors que ses albums concepts, sommets de raffinement, n’ont que très peu vendu à leurs parutions. Bien sûr, aujourd’hui Melody Nelson est considéré comme un chef-d’oeuvre, un disque absolument mythique, même chez les ricains (se rapporter à la superbe édition disponible chez LITA). C’est oublier un peu vite que lors de sa sortie, l’album ne rencontra pas son public, pour parler poliment. Augmentant encore plus l’amertume de son auteur. Tout était alors tellement avant-gardiste chez Gainsbourg, le populaire et quelque peu pathétique Gainsbarre n’avait pas encore fait son apparition et le reggae non-plus. Les succès du jour se nomment « Sea, Sex and Sun » ou « L’ami Couette », pas des splendeurs, mais faut bien payer le plein de la Rolls. Si l’on peut légitimement s’étonner de l’insuccès d’œuvres tels que Melody Nelson ou L’Homme à tête de chou, celui de Rock Around The Bunker semblait inévitable.

Sur le plan strictement musical, Rock Around The Bunker est purement Rock ‘n’ Roll, moins ambitieux qu’à l’accoutumé. « Nazi Rock », allitération fantasque pour sujet difficile, le morceau est efficace, le Messerschmitt prend son envol. Sur le même modèle, « Tata Teutonne » pousse la provocation encore plus loin, scato, sexuelle, mais jamais vulgaire. « Eva » émascule Adolf Hitler, l’impuissance du dictateur le tourne en ridicule, à ce niveau du disque, il ne fait aucun doute que le jeune Lucien Ginsburg tiens enfin sa revanche. L’écriture est remarquablement acérée, les textes ne souffrent pas encore de la paresse d’un Gainsbourg/barre trop sûr de lui. « Est-ce est-ce si bon », jeux de mots foireux et provocation outrancière, mais quelle classe, quand la gaudriole verbale flirte avec le génie. Le morceau-titre marque l’achèvement, c’est l’inévitable chute du Reich, Gainsbourg jubile. Bien qu’au final, les « Hommes de pailles » ne s’en sortent pas si mal, « SS In Uruguay », sous sa fausse légèreté, dresse un constat amer mais tristement réel.

La force de Rock Around The Bunker est d’être à la fois dansant, provocateur, profond et beau. Sans doute pas le plus grand disque de Gainsbourg, mais certainement le plus atypique.

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Toorsch’

5 commentaires sur “SERGE GAINSBOURG – Rock Around The Bunker – 1975

  1. Chris dit :

    C’est un de ses albums que je connais le moins bien, peut-être à cause de la musique, qui m’a moins attirée…mais un Gainsbourg même « mineur » reste un grand disque…

    • toorsch dit :

      Ce n’est pas vraiment un album mineur, mais il est peut-être moins flamboyant dans la discographie du grand Serge que ces deux fameux albums concept autour d’un (presque) même thème que sont « Melody » et « Tête de choux »…

  2. jerry OX dit :

    Merci Toorsch pour cette chronique autour d’un album fort réussi du grand Serge Gainsbourg . Il est vrai que les deux albums concepts de 1971 et 1976 sont imparables et sublimes (et de vrais échecs commerciaux ) et que ce très très provocateur « Rock Around The Bunker » avec ses jeux de mots que lui seul pouvait oser( comme dans la chanson « Yellow Star » par exemple ) et ce rock pur et dur comme accompagnement ,font de ce disque , un peu à part, une pépite à déguster On the Rocks !

  3. Jimmy Jimi dit :

    Il y a là, aussi, de quoi alimenter tes « reprises dominicales »…

  4. franckyain dit :

    Excellent papier. Sur que ce disque est loin des chef d’oeuvres Melody Nelson ou de L’Homme à la tête de chou.
    Mais pour tes reprises dominicales : la version décalée de « SS in Uruguay » par Julien Doré.
    A +

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